Les coulisses de l'information à TF1
- Stanislas COUPEZ
- 22 juil.
- 9 min de lecture
Chaque jour, des millions de Françaises et de Français allument leur télévision et regardent des programmes d’informations. Matinales, Journaux Télévisés ou encore émissions de débat ou de fil info, il y a l’embarras du choix. Mais comment ces émissions sont-elles préparées ? Quelles sont les personnes qui se cachent derrière ces programmes quotidiens ? Nous avons eu l’opportunité de plonger dans les coulisses de l’information, une journée à TF1.
La matinale TF1
Il est six heures 55, et comme tous les matins, c’est l’heure de la prise d’antennes pour Bruce Toussaint et son équipe. Aux commandes de « Bonjour ! La matinale TF1 », il doit assurer deux heures et demie de direct, entouré de ses nombreux chroniqueuses et chroniqueurs.
« Il y a beaucoup de choses, beaucoup de chroniques, d’interviews, des reportages, des journaux… Et donc tout ça, ça demande beaucoup de préparation, de fabrication, et donc c’est un travail permanent. Ce qu’on se dit, c’est que l’émission, elle doit autant se voir que s’entendre. C’est-à-dire qu’on doit pouvoir quitter la pièce, avoir le son de la télévision et ne rien rater pour autant.
On a cette idée de pouvoir regarder et écouter ce programme, parce que on a une activité un peu particulière le matin. Bruce Toussaint, journaliste et présentateur de "Bonjour ! La Matinale TF1"
Pendant une heure et demie vont se succéder journalistes et invités sur le plateau de la matinale. Il est donc essentiel d’être assisté dans une préparation aussi complexe.
« Moi, je suis journaliste assistante, je mets à jours toutes ses fiches, je fais une grosse revue de presse, j’écris ses titres, et ensuite, je vais avoir plein de mini-tâches à faire, par exemple choisir les unes avec lui et ensuite les envoyer aux assistants. Et après, à sept heures, je vais me mettre en régie et là je suis à disposition pendant l’émission, et pendant l’émission, je vais avoir plein de petites choses à faire », nous explique Manon Tallien de Cabarrus, assistante de Bruce Toussaint
En plus des différentes rubriques proposées par les journalistes de l’émission, chaque demi-heure, un court bulletin d’information fait le point sur les grands titres de l’actualité. Dans les bureaux de la matinale, on se presse pour pouvoir finaliser les reportages au plus vite. Ce jour-là, c’est l’interview d’un député qui se fait par visio-conférence.
Une fois le reportage finalisé, il est immédiatement envoyé en salle de visionnage, pour être validé par la rédaction de l’émission, avant sa diffusion à l’antenne.
Travailler en matinale impose un rythme de travail décalé. Les équipes arrivent entre trois et cinq heures du matin, puis travaillent leurs sujets jusqu’à la prise d’antenne. Une fois l’émission terminée, on commence immédiatement celle du lendemain.
« C’est un rythme à prendre, il n’y a pas vraiment de recette. Mais c’est très agréable, contrairement à ce qu’on pourrait penser. Oui, c’est un petit peu dur de se lever le matin, mais c’est très agréable de réveiller les gens.
Dès que l’émission se termine, j’ai le sentiment qu’il y a une sorte de compte à rebours qui se met en place, il nous reste 21 heures 30 pour préparer l’émission suivante. Bruce Toussaint
Dans un format comme celui-ci, il faut pouvoir faire le grand écart entre information et divertissement, et la matinale de TF1 peut compter sur des figures comme Christophe Beaugrand, animateur bien connu du public.
« J’ai deux chroniques hebdomadaires dans « Bonjour ! », tous les vendredis. D’abord, une chronique médias, où je parle des différentes nouveautés qui peuvent apparaître à l’antenne, je fais des interviews de présentateurs, d’animateurs et puis j’ai une autre rubrique, qui s’appelle les « Top-Flop », où je choisis, dans les quelques jours de la semaine écoulée, deux tops, deux flops, donc deux infos positives et deux infos plus négatives, et que je présente avec un peu d’humour, pour mettre un peu d’ambiance autour du plateau !
J’ai la chance d’évoluer dans un groupe qui me laisse exprimer différentes palettes de ce que j’aime faire. Tout le monde n’aurait pas cette ouverture d’esprit. Christophe Beaugrand, chroniqueur dans "Bonjour ! La Matinale TF1" et animateur TV
Le journal de 13H
Une fois la matinale terminée, la journée ne fait que commencer. Place à la prochaine grande édition d’information de la mi-journée : le journal de 13H, présenté par Marie-Sophie Lacarrau. Une fois définis les sujets qui seront abordés et les images réceptionnées, les équipes se répartissent dans les salles de montage. Il faut faire vite, car les reportages sont plus longs qu’en matinale, puisqu’ils constituent le corps du journal.
Dans chaque salle de montage se trouvent un journaliste et un monteur. Tandis que le journaliste écrit son texte petit à petit, le monteur sélectionne les plans les plus adaptés. Ensemble, ils vont également choisir les extraits d’interviews les plus pertinents à placer dans leur reportage. Une véritable course contre-la-montre.
Après le passage des rédacteurs en chef du journal pour valider ou non chaque reportage, place à l’étape du mixage. Isolé dans une cabine insonorisée, le journaliste lit son texte, le commentaire audio du sujet. Comme en matinale, le sujet est ensuite envoyé en salle de visionnage pour corriger les derniers défauts.
Enfin, vers 12 heures 57, c’est la prise d’antenne. On ne peut plus reculer.
Avec en moyenne 4,8 millions de téléspectateurs, le 13H de TF1 attire un public toujours aussi nombreux. Un succès qui tient sans doute à sa proximité avec les téléspectateurs, selon Marie-Sophie Lacarrau.
« Dans ce journal de 13H, on cherche à parler à tout le monde. Et à parler à toutes les générations. On cherche à mettre en avant des reportages qui favorisent le vivre-ensemble, plutôt que les sujets qui nous divisent et qui nous opposent. Et je pense que c’est pour cela qu’on arrive à avoir un public très large. Marie-Sophie Lacarrau, journaliste et présentatrice du journal de 13H de TF1
« À l’antenne, pour le téléspectateur, il faut que nous restions neutres et sobres. Parfois, quand les actualités sont très difficiles, moi, ce que je fais, c’est que j’essaye de visionner les reportages en amont, quand c’est possible, pour absorber le trop-plein d’émotions qui pourrait surgir. Après, les émotions, il faut qu’on les accompagne également. Il faut que l’on soit dans le même état d’esprit que le téléspectateur, en fait. »
La météo
Des téléspectateurs qui, sitôt le 13H terminé, regardent probablement le bulletin météo d’Évelyne Dhéliat. Véritable icône de la météo dans le groupe TF1, elle est une figure incontournable de l’information. Car elle le répète : la météo, c’est du journalisme.
« D’abord, c’est vraiment de l’information à part entière. D’ailleurs, le service météo fait partie de l’information à TF1, et Dieu sait si maintenant on a beaucoup de raisons de parler de la météo avec tout ce qui se passe, notamment avec le changement climatique, et c’est vraiment ça aussi qui est passionnant.
Moi, j’ai vu d’année en année l’évolution de la météo et surtout l’exactitude et la précision de ces prévisions du jour au lendemain, on est vraiment complètement dans la vraie prévision. » Évelyne Dhéliat, présentatrice météo et responsable du service météo TF1-LCI
Vers 10 heures, Météo France transmet au service météo les cartes pour la journée et le lendemain. En liaison avec Météo France, l’équipe météo commente l’évolution du temps et des températures de la veille, de la journée ainsi que des jours suivants.
« Et puis après, l’important, c’est pour moi de travailler avec des infographistes, ce sont les personnes qui fabriquent les cartes que l’on voit à l’antenne et c’est vraiment un travail très minutieux, parce que par rapport à notre charte à nous de TF1, il y a une fabrication, je dirais quasiment à la main.
Le but, c’est que le téléspectateur, où qu’il soit en France, puisse du premier regard comprendre la météo qu’il va avoir. » Évelyne Dhéliat
Sur TF1, on retrouve deux principaux bulletins météo : le premier diffusé en direct, après le journal de 13H, et le second enregistré dans l’après-midi.
Ce second bulletin météo est destiné à être diffusé quelques secondes seulement avant le 20H. Les deux émissions étant tournées sur le même plateau, il est donc impossible d’enchainer les deux directs.
Le journal de 20H
Place donc, au rendez-vous d’information du soir : le journal de 20H, présenté par Gilles Bouleau en semaine et Anne-Claire Coudray le week-end.
Comme pour le 13H, dans la journée se succèdent plusieurs conférences de rédaction : on y définit les sujets qui seront traités dans l’édition ainsi que l’ordre des reportages, ce qu’on appelle le conducteur. Les présentateurs écrivent ensuite leurs lancements pour le journal. Un défi de tous les instants.
« On est toujours face à l’inconnu, à une partition. Et ce matin, on est sortis de la conférence, on a mis deux heures pour dire : « Mais comment allons-nous construire le journal de ce soir ? » Et le journal qui se fait quelquefois pendant le journal, je réécris beaucoup pendant le journal, on inverse des sujets pendant le journal, et dans le même temps, il faut donner l’impression d’une partition totalement fluide, préparée. Il y a même des gens qui me demandent si c’est en direct, si j’arrive un quart d’heure avant le journal, alors qu’en fait, évidemment, je suis là 12 heures avant. », raconte Gilles Bouleau, journaliste et présentateur du journal de 20H de TF1.
Une tâche d’autant plus complexe pour les journaux du week-end, car c’est la même présentatrice qui présente les deux éditions de la journée.
« Ça nous oblige, effectivement, à une agilité un peu plus grande, une grande organisation, beaucoup de rigueur, on se connaît très bien dans l’équipe. Je pense que c’est vraiment une nécessité, au niveau d’un journal comme celui du week-end, parce qu’il faut qu’on se comprenne à demi-mot, et puis on est toujours en train d’échanger sur la philosophie de tel ou tel reportage, sur comment on va le faire évoluer entre le 13H et le 20H, le fait d’avoir une même équipe toute la journée, aussi, sur les autres éditions, c’est une équipe dédiée au 13H, une équipe dédiée au 20H », nous confie Anne-Claire Coudray, journaliste et présentatrice des journaux du week-end de TF1.
C’est un métier de l’invisible, en fait. Je trouve que la meilleure comparaison, c’est le patinage artistique. Gilles Bouleau
"Le jour des Jeux Olympiques, c’est si harmonieux, et en fait ils ont des plaies partout, des sparadraps partout, ils sont tombés pendant les répétitions, et ça ne se voit pas. Donc c’est ça, c’est un effort qui ne doit pas se voir ».
Une fois l’antenne rendue, c’est l’heure de la conférence critique : elle permet de prendre du recul et de faire le point sur ce qui s’est bien ou mal passé durant le journal.
Le rôle des journalistes
Mais le rôle des journalistes ne s’arrête pas là. Dans un monde qui ne cesse d’évoluer, ils ont la responsabilité d’être les passeurs d’une information fiable et de confiance.
« On a effectivement une grande responsabilité, de ne pas dire de bêtises, de ne pas faire de fautes, mais de ne pas dire d’erreurs non plus, parce que quand on est à la tête d’un journal qui fait parfois six millions trois le dimanche soir, si on dit une erreur sur quelqu’un, ça peut avoir des conséquences terribles, donc moi je l’ai toujours en tête. »
Le principe de base, c’est de ne donner une information que lorsqu’elle est vérifiée, ou bien de donner la source qui nous donne cette information. Marie-Sophie Lacarrau
« Voilà ce qui s’est passé dans le monde, ça c’est moyennement important, ça c’est important, ça je vais essayer de le décrypter, de lui donner du relief, un petit peu de recul historique, et voilà ce que, en mon âme en conscience et avec honnêteté intellectuelle, je pense qu’il faut que vous reteniez. »
Le journalisme, c’est un métier. Ce n’est pas juste un passe-temps dans sa chambre, quand on est influenceur et qu’on se dit : « Tiens, je vais donner mon avis sur la guerre à Gaza ». Anne-Claire Coudray
Ce n’est pas ça, un journaliste, c’est quelqu’un qui va avoir une méthode, qui a appris une méthode pour savoir justement qui aller voir, comment identifier la légitimité de telle ou telle source, comment vérifier son information, et une source ne suffit pas. »
« C’est un métier d’artisanat et il n’y a pas de science infuse, et l’actualité du jour ne peut pas se nourrir du savoir d’hier ou d’avant-hier. Donc ce n’est pas parce que tu as fait un bon article, un bon journal la veille, qu’aujourd’hui tu peux t’assoupir et te dire : « Non mais hier ça allait, j’ai compris », parce que tous les jours, c’est un palimpseste, comme au Moyen-Âge, tous les jours ça se réécrit, tous les jours il y a quelque chose », selon Gilles Bouleau.
« Ce sont les rencontres, les témoignages, c’est mettre les autres en avant, les écouter, qu’ils se voient, et traiter des sujets qui les concernent directement. Les autres, voilà. Ma passion, c’est les autres. », explique Marie-Sophie Lacarrau
« Pour des jeunes qui voudraient devenir journaliste, je donnerai quatre conseils : premier, il faut être curieux. Deuxième, il faut être très curieux. Le troisième, il faut être très très curieux, et le quatrième, qui est rarement souligné, c’est qu’il faut aimer le travail. », conseille Gilles Bouleau.
La menace de la désinformation
Mais aujourd’hui, le journalisme est menacé par une ennemie particulièrement sournoise et redoutable : la désinformation. Alors finalement, sont-ils les derniers remparts face à ce danger qui prend chaque jour de l’ampleur ?
L’esprit critique est le dernier rempart, et un esprit critique, on en a tous un. Anne-Claire Coudray
"Et donc moi, j’aimerais qu’un jour, effectivement, l’éducation aux réseaux sociaux soit une matière à part entière dans les écoles, parce que ça vous ouvre tellement de portes à vous, les jeunes, sur où chercher l’information, comment s’informer, commet gérer aussi ses relations sociales, comment exercer sa citoyenneté, comment s’informer sur la future élection… Les réseaux sociaux, c’est un outil, et par définition, il faut apprendre à utiliser l’outil. »
« Je crois que si tu m’avais posé la question il y a 10 ans, je t’aurais répondu : « De quoi parles-tu ? » Les journalistes, c’est comme un architecte : pour construire une maison, il faut quelqu’un qui est diplômé. Pour faire de la plomberie, c’est mieux de faire appel à un vrai plombier. Et donc pour traiter cette masse qu’est l’information, les événements en France et dans le monde, c’est un métier. Et maintenant, ce qui rend malheureusement pertinente ta question, c’est que tout le monde ou a un téléphone portable, ou est influenceur, ou est ceci-cela, et donc chacun pense avoir sa propre vision de l’actualité et les gens confondent opinion et traitement de l’actualité. », nous dit Gilles Bouleau.
Ainsi s’achève cette immersion au cœur de la rédaction de TF1. Et quand vous allumerez votre télévision, peut-être verrez-vous d’un œil nouveau le travail de toutes ces équipes pour vous faire comprendre le monde qui nous entoure.
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